La raquette spaghetti

Lorsqu'il entre sur le central d'Aix-en-Provence par une belle journée d'octobre, Guillermo Vilas est confiant. L'année 1977 est son année. Il a remporté 16 des 30 tournois auxquels il a participé dont Roland Garros (victoire 6/0 6/3 6/0 sur Gottfried) et l’US Open (victoire 2/6 6/3 7/6 6/0 sur Connors). Il a été finaliste à l’Open d’Australie et présente un bilan de 145 victoires pour 14 défaites. Bref, il est au top (en l'absence de Borg qui joue sur le circuit World Team Tennis).

        Face à lui se présente Ilie Nastase, n°1 mondial en 1973,   

mais déjà sur le déclin en 1977, qui a une facheuse tendance à s'illustrer par ses pitreries et ses contestations (Mc Enroe n'a pas tout inventé). Sur le plan tennistique c'est deux styles qui s'affrontent : le lift puissant de l'argentin face au tennis classique et surrané du roumain.

Vilas est ultra favori et compte bien poursuivre sa série de 53 victoires consécutives sur terre battue. Il s'échauffe, il est prêt à passer des heures sur le court à lifter côté droit et côté gauche, et à ne monter au filet que pour serrer la main de son adversaire. Il ne remarque pas que celui-ci n'utilise pas sa raquette habituelle. Il a tort.

Au bout de 20mn Vilas est mené 4-0 et a du mal à comprendre ce qui se passe. En bon professionnel il s'accroche mais après la perte du premier set 6/1 il se dit que quelque chose cloche sérieusement.

Ce qui cloche, précisément, c'est la raquette de Nastase qui présente un double cordage. Cette raquette, inventée par un artisan allemand du nom de Fischer, a des cordes superposées et peu tendues, avec du caoutchouc coincé aux intersections, d'où son surnom de raquette spaghetti. Elle donne des effets imprévisibles à la balle qui devient incontrôlable et suit une trajectoire peu lisible.

Après avoir perdu le 2ème set 7/5, Vilas furieux, quitte le court et abandonne la partie.
La polémique enfle sur l’utilisation de cette raquette et la Fédération Internationale de tennis décide alors de l’interdire à la fin du mois.

Cette défaite permettra à Rafael Nadal, 30 ans plus tard, de battre le record de victoires consécutives sur terre battue.